Police perso : Cristiani Corsi: Le Credo, première partie : la profession de la foi catholique
Drop Down MenusCSS Drop Down MenuPure CSS Dropdown Menu

mardi 3 novembre 2015

Le Credo, première partie : la profession de la foi catholique


Ce que nous appelons le Credo de l'Eglise Catholique est la prière commune aux croyants, la profession de foi de tous les baptisés. Les deux formes utilisées dans la liturgie aujourd’hui, le symbole des apôtres et le symbole de Nicée-Constantinople, sont le fruit de développements théologiques au sein de l’Eglise naissante, dans l’antiquité. Riches en définitions dogmatiques, ceux-ci ont cependant une origine évangélique et apostolique, qui a permis leur élaboration et leur développement par les Pères de l’Eglise et les évêques lors des conciles. La compréhension rationnelle de ces symboles nous aide à appréhender la splendeur du Mystère de la Foi.

I. Les évènements du Salut

A. Le caractère économique du Credo

Le symbole est une profession de foi, à la dimension communautaire. La foi chrétienne est née et s’est développée autour de l’annonce de la Bonne Nouvelle. La communauté des apôtres, témoins de la résurrection, va répandre cette foi. Le Fils de Dieu, mort sur la croix pour nos péchés, ressuscité le troisième jour, est annoncé à tous par l’Eglise naissante. A la source de de cette proclamation, il y a un évènement, qui prend place dans l’histoire. Il s’agit d’un évènement qui a eu des témoins : la mort-résurrection de Jésus-Christ. Le mystère pascal a une importance fondamentale dans les premiers développements de l’Eglise. Avant la Passion et la Résurrection, les apôtres eux-mêmes ne savent pas vraiment qui est Jésus. Bien entendu, ils ont confiance en lui, le suivent, écoutent son enseignement. Mais ils ont encore un voile devant les yeux. Beaucoup n’ont pas compris l’annonce messianique.
« Et vous, qui dites vous que je suis ? Simon Pierre, prenant la parole, dit : vous êtes le Christ, le fils du Dieu vivant ! Jésus lui répondit : Tu es bienheureux, Simon fils de Jonas, parce que ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux.1»
La profession de foi primitive de Pierre est splendide, admirable. Car c’est bien la foi qui fait dire cela à Pierre, et non pas les lumières de la raison humaine. Cela dit, elle est encore incomplète. Celui-ci croit encore que le Messie va libérer Israël de l’envahisseur romain… En témoigne, quelques lignes plus loin :
« Dès lors, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem, qu’il souffrit beaucoup […] et qu’il fut mis à mort, et qu’il ressuscitât le troisième jour. Et Pierre, le prenant à part, commença à le reprendre, en disant : A Dieu ne plaise, Seigneur ! Cela ne vous arrivera point. Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre : Va-t’en derrière moi, Satan, tu m’es un sujet de scandale, car tu n’as pas le goût des choses de Dieu, mais des choses des hommes. »
Jésus a une dure réaction vis-à-vis de Pierre, qui accueille volontiers une vérité révélée lorsqu’il proclame que celui-ci est le Christ, mais redevient hermétique quand il veut empêcher la Passion. Sa foi demande à se développer après la Résurrection. Qu’il devait être difficile de croire pour les disciples, qui voyaient Jésus en chair et en os ! Cette foi se développera et s’affinera, et le mystère pascal ne sera pas étranger à cela.

Ainsi, le caractère économique des évènements que décrit le kérygme* permet une meilleure compréhension théologique. Le contenu du mystère pascal, les « économies » qui y sont proclamées : le Salut est annoncé, lié à des évènements bien concrets. C’est le projet divin qui est exposé, tout particulièrement par l’aspect christologique. C’est le mystère pascal, et Jésus, qui en est le principal acteur, qui est au centre des premières professions de foi baptismale, comme on le lit dans les Écritures : « Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ2 », « ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus3 ». Les premières professions de foi des chrétiens semblent avoir été exclusivement christologique. Le kérygme concerne des évènements, mais aussi quelqu’un : Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, et tout ce qu’il a fait pour la Rédemption de l’humanité. C’est lui qui enverra l’Esprit sur terre, et c’est par lui que les premiers chrétiens furent baptisés.

B. L’origine baptismale de la règle de foi

Car le baptême, pour être donné, nécessite de professer une même foi : l’Eglise de Dieu est une, et les nouveaux chrétiens doivent consentir à cette foi. Il s’agit de proclamer une même croyance, pour tous les baptisés. Au cœur de cette foi, il y a le kérygme : la personne de Jésus-Christ, mort sur la croix pour nous, et ressuscité par Dieu, premier né d’entre les morts. Dieu qui redonne vie à son Fils, dans son humanité, et montre le chemin de la vie éternelle : il s’agit bien du point central du Credo. Le consentement, le « oui » théologal des premiers baptisés, est d’une importance cruciale. Saint Irénée de Lyon développe l’importance du lien entre le baptême et la règle de foi :
« Comme la foi est intimement liée à notre salut, il en faut prendre grand soin afin que nous ayons une véritable intelligence des êtres. Or c'est la foi qui nous la procure, ainsi que les presbytres, disciples des apôtres, nous l'ont transmis (en tradition). En tout premier lieu, elle recommande de nous souvenir que nous avons reçu le baptême pour la rémission des péchés au nom de Dieu le Père, et au nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné et mort et ressuscité, et dans l'Esprit Saint de Dieu, (... de nous souvenir) aussi que ce baptême est le sceau de la vie éternelle...2»
C’est bien dans cette participation à la vie et avec Dieu qui nous donne sa grâce, et en l’importance de revêtir l’homme nouveau qu’est le chrétien, que tous croient. La demande faite aux catéchumènes adultes ou aux parrains et marraines dans le rite tridentin illustre parfaitement ce caractère théologal : « - Que demandez vous à l’Eglise de Dieu ? - La foi ! » : c’est par le baptême que l’on reçoit cette foi, commune à tous les membres de l’Eglise. Car c’est par la mort sur la croix que tous ont été baptisés, et par sa résurrection que le Christ nous donne l’Esprit, et ouvre le Ciel pour tous les hommes. Jésus, nouvel Adam, donne l’arbre de vie à l’humanité.
C’est bien dans cet évènement, avec Jésus, que nous avons été baptisés : « Frères, nous tous, qui avons été baptisés en Jésus Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés.3 ». Les paroles de saint Paul sont éloquentes. L’amour de Dieu, par son intervention transcendante, remporte la victoire contre la mort pour l’éternité. La Croix du Fils est le pont entre Dieu et les hommes : symbole horizontal, mais également vertical : elle révèle le lien intime de Jésus avec son Père, et « crucifixus etiam pro nobis » prend tout son sens : c’est pour nous, pour enlever le péché du monde, que Dieu sacrifie son fils unique. C’est pour restaurer l’ordre lésé de la charité que l’agneau innocent est offert en sacrifice au Père. C’est bien le baptême de l’humanité entière, accompagnant le Christ dans sa Pâque, qui s’opère alors.

II. L’annonce kérygmatique

A. La proclamation de l’évènement du Salut par la Croix

Les apôtres et les premiers chrétiens vont donc faire cette annonce du Salut par la croix. Car, l’importance du message est particulière. La joie est immense. Il s’agit de quelque chose qui nécessite d’être annoncé au monde, par son importance, et aussi parce que c’est la mission qui a été confiée aux apôtres : « Allez donc, enseignez toutes les nations 4 ». Cet évènement extraordinaire va être relayé par les premiers missionnaires du Christ :
« Maintenant je vous rappelle, frères, l’évangile que je vous ai prêché, que vous avez reçu, dans lequel vous demeurez fermes, et par lequel vous serez sauvés si vous le retenez tel que je vous l’ai prêché, à moins que vous n’ayez cru en vain. Car je vous ai transmis en premier lieu ce que j’ai moi-même reçu : que le Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures, qu’il a été enseveli, et qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, qu’il a été vu de Céphas, puis des onze[…]5 »
Saint Paul nous livre, dans ce passage, le cœur de la foi : il annonce aux hommes qu’ils seront sauvés s’ils maintiennent cette foi. C’est l’annonce du Salut qui est faite, après la Pentecôte : les apôtres ont désormais l’intelligence des Écritures, d’où l’insistance de saint Paul sur la conformité des évènements avec l’annonce prophétique. Le Christ est mort pour nos péchés : l’acte d’Amour infini de Dieu, s’unissant à l’humanité souffrante, et Jésus suivant l’homme jusque dans la mort, avant d’instaurer le Royaume. La Salut de l’humanité est passé par la croix, ce qui est transmis aux générations futures. Le rôle primordial du kérygme dans la foi chrétienne est aussi évident de par sa fréquence dans le Nouveau Testament. 
Saint Ignace d’Antioche, outre quelques adjonctions, centre tout de même sa règle de foi sur le mystère pascal. On peut même constater que, s’il y a effectivement eu des développements, le kérygme est bien là. C’est encore plus synthétique ici : « Nous disons que le Verbe, le premier-né de Dieu, Jésus-Christ notre maître, a été engendré sans opération charnelle, qu'il a été crucifié, qu'il est mort et qu'après être ressuscité, il est monté au ciel6 ». Ici, on voit l’addition au kérygme précisant l’origine divine de Jésus, mais le point capital est toujours la mort-résurrection de notre Seigneur.

C’est l’Eglise qui nait, au cœur de ce mystère : la Pâque de Jésus inaugure la nouvelle ère, la victoire sur la mort, l’Eglise, le Royaume. A la lumière de ces évènements, tout prend forme. La foi trouve son intelligence dans le mystère pascal : « C’est ce que je vous disais lorsque j’étais encore avec vous, qu’il fallait que s’accomplît tout ce qui a été écrit de moi[…]. Alors il leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprissent les Écritures.7 » Jusqu’à la Pentecôte, et la descente de l’Esprit sur les apôtres, le mystère pascal alimente le cœur de la foi : ce qui sera explicité à l’avenir, les définitions dogmatiques, préciseront, expliciteront, et développeront la foi, mais l’essentiel est là, dans le kérygme, qui proclame à la Terre entière l’évènement principal du Salut des hommes, qui révèle cette « économie ». Tous les développements ultérieurs préciseront la foi, afin de la défendre contre les hérésies naissantes, et de maintenant l’Eglise, garante du dépôt de la foi.

B. La montée mystique vers Dieu : de l’Esprit à Dieu le Père

Il est intéressant, dans le symbole, de remarquer que la démarche de foi est une lecture à l’envers du Credo : l’Esprit reçu dans le baptême nous fait connaître le Fils, qui nous fait connaître le Père. C’est l’Esprit, que Jésus en personne envoie, au terme du mystère pascal, qui révèle à tous la divinité du fils. C’est donc par l’esprit reçu lors du baptême que tout croyant peut goûter au cœur de la foi : la connaissance christologique du mystère pascal en est bien le point central : Jésus-Christ, notre Seigneur, est l’unique Sauveur, lui qui a vaincu le monde. Ce n’est pas en vain que saint Ambroise écrivait : « Son cœur, qui a été transpercé par la lance, est devenu notre cœur, et par lui nous aimons le Père ».
L’hymne christologique, la foi initiale des apôtres, se trouve donc entourée dans la structure du symbole de foi : en cela aussi, elle constitue le cœur de la foi. Le Credo, de nature trinitaire, parle donc des trois personnes divines. Cependant, la seule personne de la Trinité ayant assumé la nature humaine, c’est le Christ. C’est dans sa venue, annoncée par l’Esprit Saint à travers la bouche des prophètes, que le lien entre Dieu et les hommes est rétabli. En tant que Médiateur, le Christ a formé une vraie communion entre le Père et l’humanité souffrante, privée de la grâce. Il se livre pour nous et pour nos péchés, et cela encore jour après jour. Le mystère pascal est vraiment une « économie » : les évènements de la Passion à la Pentecôte révèlent admirablement à celui qui veut croire ce que Dieu est.
Le saint Sacrifice de la messe également souligne la place prépondérante du mystère pascal, son rôle central pour la foi catholique. En effet, c’est le sacrifice du Christ qui est renouvelé, à chaque messe, de manière non sanglante sur l’autel, pour la rémission des péchés : c’est la Passion. Mais le Christ qui se livre à nous dans l’hostie n’est pas mort, il est véritablement vivant, c’est la Résurrection. Et c’est humblement que nous lui demandons à ce sacrifice d’être agrée par le Père, et de s’élever aux cieux, afin que redescende sur nous l’Esprit : c’est l’Ascension. Cette prière de l’offertoire illustre très bien la place du mystère pascal dans la sainte messe : « Suscipe, sancta Trinitas, hanc oblationem, quam tibi offerimus ob memoriam passionis, resurrectionis, et ascensionis Jesu Christi Domini nostri […]8 ». On voit donc bien à quel point ce grand mystère est au cœur de la foi chrétienne, professée après la Pentecôte par les premiers disciples.


On voit donc bien, dès les temps apostoliques, le caractère fondamental du mystère pascal. Centré autour d’évènements objets de témoignages, et autour de la personne de Jésus-Christ, celui-ci va constituer la base solide autour de laquelle va de développer la foi de l’Eglise. Cette foi, au caractère fortement communautaire, va d’abord prendre la forme du kérygme, court et centré sur l’essentiel. Puis, avec les Pères de l’Eglise et les premiers conciles se développeront les vérités essentielles des symboles de foi. Ceux-ci vont constituer le signe de reconnaissance de la communauté des croyants, le lien entre les baptisés : un Credo trinitaire, dont la foi en Jésus-Christ Sauveur de l’humanité, mort pour nos péchés et ressuscité le troisième jour constitue le cœur et la charnière.




[1] Mt 16, 15-16
[2]  SAINT IRENEE DE LYON, Démonstration de la prédication apostolique
[3]  Rm 6, 3-5
[4] Mt 28, 19
[5] 1Co 15, 1-5
[6] JUSTIN DE NAPLOUSE, Oeuvres complètes
[7] Lc 24, 44-45
[8] Ordo missæ, 1962

* Kérygme : énoncé de foi fondamental des premiers chrétiens, résumant le mystère pascal

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire