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lundi 19 mai 2014

Doctrine sociale de l'Eglise: les corporations ouvrières.




     
           Le pape Léon XIII






LES CORPORATIONS OUVRIERES

En dernier lieu, les patrons et les ouvriers eux-mêmes peuvent singulièrement aider à la solution de la question par toutes les oeuvres propres à soulager efficacement l’indigence et à opérer un rapprochement entre les deux classes.
De ce nombre sont les sociétés de secours mutuels ; les institutions diverses dues à l’initiative privée qui ont pour but de secourir les ouvriers, ainsi que leurs veuves et leurs orphelins, en cas de mort, d’accidents ou d’infirmités ; les patronages qui exercent une protection bienfaisante sur les enfants des deux sexes, sur les adolescents et sur les hommes faits.
Mais la première place appartient aux corporations ouvrières qui, en soi, embrassent à peu près toutes les oeuvres. Nos ancêtres éprouvèrent longtemps la bienfaisante influence de ces corporations. Elles ont d’abord assuré aux ouvriers des avantages manifestes. De plus, ainsi qu’une foule de monuments le proclament, elles ont été une source de gloire et de progrès pour les arts eux-mêmes. Aujourd’hui, les générations sont plus cultivées, les moeurs plus policées, les exigences
de la vie quotidienne plus nombreuses. Il n’est donc pas douteux qu’il faille adapter les corporations à ces conditions nouvelles. Aussi, Nous voyons avec plaisir se former partout des sociétés de ce genre, soit composées des seuls ouvriers, soit mixtes, réunissant à la fois des ouvriers et des patrons. Il est à désirer qu’elles accroissent leur nombre et l’efficacité de leur action.
Bien que Nous Nous en soyons occupé plus d’une fois, Nous voulons exposer ici leur opportunité et leur droit à l’existence, et indiquer comment elles doivent s’organiser et quel doit être leur programme d’action.


Elles sont de droit naturel.
L’expérience que fait l’homme de l’exiguïté de ses forces l’engage et le pousse à s’adjoindre une coopération étrangère. C’est dans les Saintes Écritures qu’on lit cette maxime :Mieux vaut vivre à deux que solitaire ; il y a pour les deux un bon salaire dans leur travail ; car s’ils tombent, l’un peut relever son compagnon. Malheur à celui qui est seul et qui tombe sans avoir un second pour le relever ! (39) Et cet autre : Le frère qui est aidé par son frère est comme une ville forte(40). De cette tendance naturelle, comme d’un même germe, naissent la société civile d’abord, puis au sein même de celle-ci, d’autres sociétés qui, pour être restreintes et imparfaites, n’en sont pas moins des sociétés véritables.
Entre ces petites sociétés et la grande, il y a de profondes différences qui résultent de leur fin prochaine. La fin de la société civile embrasse universellement tous les citoyens. Elle réside dans le bien commun, c’est-à-dire dans un bien auquel tous et chacun ont le droit de participer dans une mesure proportionnelle. C’est pourquoi on l’appelle publique, parce qu’elle réunit les hommes pour en former une nation. (41) Au contraire, les sociétés qui se constituent dans son sein sont tenues pour privées. Elles le sont, en effet, car leur raison d’être immédiate est l’utilité particulière exclusive de leurs membres. La société privée est celle qui se forme dans un but privé, comme lorsque deux ou trois s’associent pour exercer ensemble le négoce. (42)
Les sociétés privées n’ont d’existence qu’au sein de la société civile dont elles sont comme autant de parties. Il ne s’ensuit pas cependant, à ne parler qu’en général et à ne considérer que leur nature, qu’il soit au pouvoir de l’État de leur dénier l’existence. Le droit à l’existence leur a été octroyé par
la nature elle-même, et la société civile a été instituée pour protéger le droit naturel, non pour l’anéantir. C’est pourquoi une société civile qui interdirait les sociétés privées s’attaquerait elle-même, puisque toutes les sociétés, publiques et privées, firent leur origine d’un même principe :

la naturelle sociabilité de l’homme.
Assurément, il y a des cas qui autorisent les lois à s’opposer à la formation de sociétés de ce genre. Si une société, en vertu même de ses statuts, poursuivait une fin en opposition flagrante avec la probité, avec la justice, avec la sécurité de l’État, les pouvoirs publics auraient le droit d’en empêcher la formation et, si elle était formée, de la dissoudre. Mais encore faut-il qu’en tout cela ils n’agissent qu’avec une très grande circonspection.
Il faut éviter d’empiéter sur les droits des citoyens et de prendre, sous couleur d’utilité publique, une décision qui serait désavouée par la raison. Car une loi ne mérite obéissance qu’autant qu’elle est conforme à la droite raison et, ainsi, à la loi éternelle de Dieu (43).
Ici se présentent à notre esprit les confréries, les congrégations et les ordres religieux de tout genre, auxquels l’autorité de l’Église et la piété des fidèles avaient donné naissance. L’histoire jusqu’à notre époque nous dit assez quels en furent les fruits de salut pour le genre humain. Considérées simplement par la raison, ces sociétés apparaissent comme fondées dans un but honnête et, conséquemment, comme établies sur le droit naturel. Du côté où elles touchent à la religion, elles ne relèvent que de l’Église. Les pouvoirs publics ne peuvent donc légitimement prétendre à aucun droit sur elles, ni s’en attribuer l’administration. Leur devoir est plutôt de les respecter, de les protéger et, s’il en est besoin, de les défendre.
Or, c’est justement tout l’opposé que Nous avons vu, surtout en ces derniers temps. Dans beaucoup de pays, l’État a porté la main sur ces sociétés et a accumulé à leur égard les injustices : assujettissement aux lois civiles, privation du droit légitime de personnalité morale, spoliation des biens. Sur ces biens, l’Église avait pourtant ses droits ; chacun des membres avait les siens ; les donateurs qui leur avaient fixé une destination, ceux enfin qui en retiraient des secours et du
soulagement avaient les leurs. Aussi ne pouvons-Nous Nous empêcher de déplorer amèrement des spoliations si iniques et si funestes; d’autant plus qu’on frappe de proscription les sociétés catholiques dans le temps même où l’on affirme la légalité des sociétés privées, et que ce que l’on refuse à des hommes paisibles et préoccupés seulement de l’intérêt public, on l’accorde, et certes très largement, à des hommes qui agitent dans leur esprit des desseins funestes tout à la fois à la religion et à l’État.

Elles sont actuellement très opportunes.
Jamais assurément à aucune époque, on ne vit une si grande multiplicité d’associations de tout genre, surtout d’associations ouvrières. Ce n’est pas le lieu de chercher ici d’où viennent beaucoup d’entre elles, quel est leur but et comment elles y tendent. Mais c’est une opinion confirmée par de nombreux indices qu’elles sont ordinairement gouvernées par des chefs occultes et qu’elles obéissent à un mot d’ordre également hostile au nom chrétien et à la sécurité des nations ; qu’après avoir accaparé toutes les entreprises, s’il se trouve des ouvriers qui se refusent à entrer dans leur sein, elles leur font expier ce refus par la misère. Dans cet état de choses, les ouvriers chrétiens n’ont plus qu’à choisir entre ces deux partis ou de donner leur nom à des sociétés dont la religion a tout à craindre, ou de s’organiser eux-mêmes et de joindre leurs forces pour pouvoir secouer hardiment un joug si injuste et si intolérable. Y a-t-il des hommes ayant vraiment à coeur d’arracher le souverain bien de l’humanité à un péril imminent qui puissent douter qu’il faille opter pour ce dernier parti ?
Aussi, il faut louer hautement le zèle d’un grand nombre des nôtres qui, se rendant parfaitement compte des besoins de l’heure présente, sondent soigneusement le terrain pour y découvrir une voie honnête qui conduise au relèvement de la classe ouvrière. S’étant constitués les protecteurs des personnes vouées au travail, ils s’étudient à accroître leur prospérité, tant familiale qu’individuelle, à régler avec équité les relations réciproques des patrons et des ouvriers, à entretenir et à affermir dans les uns et les autres le souvenir de leurs devoirs et l’observation des préceptes évangéliques ; préceptes qui, en ramenant l’homme à la modération et condamnant tous les excès, maintiennent dans les nations et parmi les éléments si divers de personnes et de choses la concorde et l’harmonie
la plus parfaite. Sous l’inspiration des mêmes pensées, des hommes de grand mérite se réunissent fréquemment en congrès pour se communiquer leurs vues, unir leurs forces, arrêter des programmes d’action.

D’autres s’occupent de fonder des corporations assorties aux divers métiers et d’y faire entrer les ouvriers ; ils aident ces derniers de leurs conseils et de leur fortune et pourvoient à ce qu’ils ne manquent jamais d’un travail honnête et fructueux.
Les évêques, de leur côté, encouragent ces efforts et les mettent sous leur haut patronage. Par leur autorité et sous leurs auspices, des membres du clergé tant séculier que régulier se dévouent en grand nombre aux intérêts spirituels des associés.
Enfin, il ne manque pas de catholiques qui, pourvus d’abondantes richesses, mais devenus en quelque sorte compagnons volontaires des travailleurs, ne regardent à aucune dépense pour fonder et étendre au loin des sociétés où ceux-ci peuvent trouver, avec une certaine aisance pour le présent, le gage d’un repos honorable pour l’avenir.
Des efforts, si variés et si empressés ont déjà réalisé parmi les peuples un bien très considérable et trop connu pour qu’il soit nécessaire d’en parler en détail. Il est à nos yeux d’un heureux augure pour l’avenir. Nous Nous promettons de ces corporations les plus heureux fruits, pourvu qu’elles continuent à se développer et que la prudence préside toujours à leur organisation. Que l’État
protège ces sociétés fondées selon le droit ; que toutefois il ne s’immisce point dans leur gouvernement intérieur et ne touche point aux ressorts intimes qui leur donnent la vie ; car le mouvement vital procède essentiellement d’un principe intérieur et s’éteint très facilement sous l’action d’une cause externe.

Leur organisation et leur programme d’action
À ces corporations, il faut évidemment, pour qu’il y ait unité d’action et accord des volontés, une organisation et une discipline sage et prudente. Si donc, comme il est certain, les citoyens sont libres de s’associer, ils doivent l’être également de se donner les statuts et règlements qui leur paraissent les plus appropriés au but qu’ils poursuivent. Nous ne croyons pas qu’on puisse donner de règles certaines et précises pour déterminer le détail de ces statuts et règlements. Tout dépend du génie de chaque nation, des essais tentés et de l’expérience acquise, du genre de travail, de l’extension du commerce, et d’autres circonstances de choses et de temps qu’il faut peser avec maturité.
Tout ce qu’on peut dire en général, c’est qu’on doit prendre pour règle universelle et constante d’organiser et de gouverner les corporations, de façon qu’elles fournissent à chacun de leurs membres les moyens propres à lui faire atteindre, par la voie la plus commode et la plus courte, le but qu’il se propose. Ce but consiste dans l’accroissement le plus grand possible, pour chacun, des biens du corps, de l’esprit et de la fortune.
Mais il est évident qu’il faut viser avant tout à l’objet principal qui est le perfectionnement moral et religieux. C’est surtout cette fin qui doit régler l’économie sociale. Autrement, ces sociétés dégénéreraient bien vite et tomberaient, ou peu s’en faut, au rang des sociétés où la religion ne tient aucune place. Aussi bien, que servirait à l’ouvrier d’avoir trouvé au sein de la corporation l’abondance matérielle, si la disette d’aliments spirituels mettait en péril le salut de son âme ?Que sert à l’homme de gagner l’univers entier, s’il vient à perdre son âme ? (44) Voici le caractère auquel Notre Seigneur Jésus-Christ veut qu’on distingue le chrétien d’avec le païen. Les païens recherchent toutes ces choses... cherchez d’abord le royaume de Dieu, et toutes ces choses vous seront ajoutées par surcroît. (45)
Ainsi donc, après avoir pris Dieu comme point de départ, qu’on donne une large place à l’instruction religieuse, afin que tous connaissent leurs devoirs envers lui. Ce qu’il faut croire, ce qu’il faut espérer, ce qu’il faut faire en vue du salut éternel, tout cela doit leur être soigneusement inculqué. Qu’on les prémunisse avec une sollicitude particulière contre les opinions erronées et toutes les variétés du vice. Qu’on porte l’ouvrier au culte de Dieu, qu’on excite en lui l’esprit de piété, qu’on le rende surtout fidèle à l’observation des dimanches et des jours de fête. Qu’il apprenne à respecter et
à aimer l’Église, la commune Mère de tous les chrétiens ; à obéir à ses préceptes, à fréquenter ses sacrements qui sont des sources divines où l’âme se purifie de ses taches et puise la sainteté.
La religion ainsi constituée comme fondement de toutes les lois sociales, il n’est pas difficile de déterminer les relations mutuelles à établir entre les membres pour obtenir la paix et la prospérité de la société.
Les diverses fonctions doivent être réparties de la manière la plus favorable aux intérêts communs et de telle sorte que l’inégalité ne nuise point à la concorde. Il importe grandement que les charges soient distribuées avec intelligence et clairement définies, afin que personne n’ait à souffrir d’injustice. Que la masse commune soit administrée avec intégrité et qu’on détermine d’avance, par
le degré d’indigence de chacun des membres, la mesure de secours à lui accorder.

Que les droits et les devoirs des patrons soient parfaitement conciliés avec les droits et les devoirs des ouvriers.
Pour le cas où l’une ou l’autre classe se croirait lésée en quelque façon, il serait très désirable que les statuts mêmes chargeassent des hommes prudents et intègres, tirés de son sein, de régler le litige en qualité d’arbitres.
Il faut encore pourvoir d’une manière toute spéciale à ce qu’en aucun temps l’ouvrier ne manque de travail, et qu’il y ait un fonds de réserve destiné à faire face, non seulement aux accidents soudains et fortuits inséparables du travail industriel, mais encore à la maladie, à la vieillesse et aux coups de la mauvaise fortune.

Les résultats espérés
Ces lois, pourvu qu’elles soient acceptées de bon cœur, suffisent pour assurer aux faibles la subsistance et un certain bien-être. Mais les corporations des catholiques sont appelées encore à apporter leur bonne part à la prospérité générale. Par le passé, nous pouvons juger sans témérité de l’avenir. Un âge fait place à un autre, mais le cours des choses présente de merveilleuses similitudes ménagées par cette Providence qui règle et dirige tout vers la fin que Dieu s’est proposée en créant l’humanité.
Nous savons que, dans les premiers âges de l’Église, on lui faisait un crime de l’indigence de ses membres condamnés à vivre d’aumônes ou de travail. Mais dénués comme ils étaient de richesses et de puissance, ils surent se concilier la faveur des riches et la protection des puissants. On pouvait les voir, diligents, laborieux, pacifiques, modèles de justice et surtout de charité. Au spectacle d’une vie si parfaite et de moeurs si pures, tous les préjugés se dissipèrent, le sarcasme malveillant se tut, et les fictions d’une superstition invétérée s’évanouirent peu à peu devant la vérité chrétienne.
La question qui s’agite aujourd’hui est le sort de la classe ouvrière : elle sera résolue par la raison ou sans elle. La solution prise est de la plus grande importance pour les nations. Or, les ouvriers chrétiens la résoudront facilement par la raison si, unis en sociétés et conduits par une direction prudente, ils entrent dans la voie où leurs pères et leurs ancêtres trouvèrent leur salut et celui des peuples. Quelle que soit, dans les hommes, la force des préjugés et des passions, si une volonté perverse n’a pas entièrement étouffé le sentiment du juste et de l’honnête, il faudra que tôt ou tard la bienveillance publique se tourne vers ces ouvriers qu’on aura vus actifs et modestes, mettant l’équité avant le gain et préférant à tout la religion du devoir.
Il résultera de là cet autre avantage, que l’espoir et la possibilité d’une vie saine et normale seront abondamment offerts aux ouvriers qui vivent dans le mépris de la foi chrétienne ou dans les habitudes qu’elle réprouve. Ils comprennent d’ordinaire qu’ils ont été le jouet d’espérances trompeuses et d’apparences mensongères. Ils sentent, par les traitements inhumains qu’ils reçoivent
de leurs maîtres, qu’ils ne sont guère estimés qu’au poids de l’or produit par leur travail. Quant aux sociétés qui les ont circonvenus, ils voient bien qu’à la place de la charité et de l’amour, ils n’y trouvent que les discordes intestines, ces compagnes inséparables de la pauvreté insolente et incrédule. L’âme brisée, le corps exténué, combien qui voudraient secouer un joug si humiliant ! Mais soit respect humain, soit crainte de l’indigence, ils ne l’osent pas. Eh bien, à tous ces ouvriers, les corporations des catholiques peuvent être d’une merveilleuse utilité, si, hésitants, elles les invitent à venir chercher dans leur sein un remède à tous leurs maux, si, repentants, elles les accueillent avec empressement et leur assurent sauvegarde et protection. 

Extrait de la lettre encyclique de s.s. Léon XIII du 15 mai 1891 "Rerum Novarum".


I CRISTIANI CORSI.

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