Si l'Eglise admet le principe de la propriété privée, et par voie de conséquence, reconnaît à son détenteur le droit d'épargner et de prêter, droit de la personne humaine qui découle directement du décalogue, on sait qu'elle a condamné le principe de l'intérêt de l'argent, considéré comme un bien fongible, qui se consomme à l'usage. Les Pères de l'Eglise, depuis les temps les plus anciens, ont toujours dénoncé sans équivoque, l'usure . Saint Thomas d'Aquin, dans sa « Somme Théologique » (2.2, question 78) résume l'enseignement de l'Eglise sur le prêt à intérêt: « Il est écrit dans le livre de l'Exode (22, 25): « Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu ne l'accableras pas d'intérêts ». Recevoir un intérêt pour l'usage de l'argent prêté est en soi injuste, car c'est faire payer ce qui n'existe pas; ce qui constitue évidemment une inégalité contraire à la justice... c'est en quoi consiste l'usure. Et comme l'on est tenu de restituer les biens acquis injustement, de même l'on est tenu de restituer l'argent reçu à titre d'intérêt ».
En fait, la seule fois dans l'Evangile où il est mentionné que Jésus fit usage de violence, c'est justement pour condamner cet intérêt exigé sur l'argent créé, lorsqu'il chassa les changeurs d'argent du temple avec un fouet, et renversa leur table (tel que rapporté dans Saint Mathieu 21, 12-13, et Saint Marc 11, 15-19). Il existait en ce temps là une loi qui stipulait que la dîme ou taxe au temple de Jésuralem devait être payée par une pièce de monnaie spéciale, appelée « demi-shekel du sanctuaire », dont les changeurs d'argent s'étaient justement arrangés pour obtenir le monopole. Il y avait plusieurs sortes de pièces en ce temps là, mais les gens devaient obtenir cette pièce spécifique pour payer leur dime.
De plus, les colombes et les animaux, que les gens devaient acheter pour offrir en sacrifice, ne pouvaient être achetés autrement que par cette monnaie, que les changeurs d'argent échangeaient aux pèlerins, mais moyennant de deux à trois fois sa valeur réelle en temps normal. Jésus renversa leur table et leur dit: « Ma maison est une maison de prière, et vous en avez fait une maison de voleurs ».
Tant que le Christ limitait son enseignement au domaine de la moralité et de la droiture, il n'était pas dérangé, ce ne fut que lorsqu'il s'attaqua au système économique établi, chassa les profiteurs et renversa les tables des changeurs de monnaie qu'il fut condamné. Le jour suivant, il était questionné, trahi le second, jugé le troisième et crucifié le quatrième jour .
En 1311, au Concile de Vienne, le Pape Clément V déclarait nulle et vaine toute la législation civile en faveur de l'usure, en soulignant que « si quelqu'un tombe dans cette erreur d'oser audacieusement affirmer que ce n'est pas un péché que de faire l'usure, nous décrétons qu'il sera puni comme hérétique et nous ordonnons à tous les ordinaires et inquisiteurs de procéder vigoureusement contre tous ceux qui seront soupçonnés de cette hérésie ».
Le 1er novembre 1745, le pape Benoît XIV publiait l'encyclique « Vix Pervenit », adressée aux évêques italiens, au sujet des contrats, où l'usure, ou prêt à intérêt, est clairement condamnée. Le 29 juillet 1836, le pape Grégoire XVI étendait cette encyclique à l'Eglise universelle. Il y écrivait : « L'espèce de pêché qu'on appelle usure, et qui réside dans le contrat de prêt, consiste en ce qu'une personne, s'autorisant du prêt même, qui par sa nature demande qu'on rende seulement autant qu'on a reçu et soutient conséquemment qu'il lui est dû, en plus du capital, quelque profit, en considération du prêt même. C'est pour cette raison que tout profit de cette sorte qui excède le capital est illicite et usuraire.
Et certes, pour ne pas encourir cette note infamante, il ne servirait à rien de dire que ce profit n'est pas excessif, mais modéré; qu'il n'est pas grand, mais petit... En effet, la loi du prêt a nécessairement pour objet l'égalité entre ce qui a été donné et ce qui a été rendu... Par conséquent, si une personne quelconque reçoit plus qu'elle n'a donné, elle sera tenue à restituer pour satisfaire au devoir que lui impose la justice dite commutative... ».
Cependant, au fil des siècles, l'approche de l'Eglise fut plus nuancée, et connut plusieurs variations. Si, dans son langage, elle désigna pendant longtemps par le mot « usure » le prélèvement d'un intérêt pour un prêt d'argent, elle semble aujourd'hui distinguer l'intérêt de l'usure selon la fonction de production ou de consommation que l'on attribue au prêt.
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